Le networking des décideurs boosté par l'IA ! (Blandine Mercier, Hello Masters)

Blandine, pouvez-vous nous expliquer comment l'intelligence artificielle peut transformer le réseautage stratégique et l'accompagnement des dirigeants, domaines dans lesquels vous êtes spécialisée?

L’intelligence artificielle est en train de bouleverser le réseautage stratégique et l’accompagnement des dirigeants, non pas en remplaçant l’humain, mais en le renforçant. Ce que nous vivons, c’est un changement de paradigme : nous passons d’un réseautage fondé sur l’intuition et les cercles établis à un réseautage fondé sur la donnée, l’intelligence contextuelle et la mise en relation ultra-ciblée.

Concrètement, l’IA permet de détecter des synergies invisibles à l’œil nu. Elle identifie des points de complémentarité entre parcours, expertises, objectifs stratégiques, et même styles de leadership. Cela transforme la façon dont on connecte les dirigeants entre eux, mais aussi avec des opportunités de missions, de projets ou de croissance.

Dans l’accompagnement des dirigeants expérimentés, comme ceux que nous rassemblons au sein d’Hello Masters, l’IA joue aussi un rôle d’accélérateur : elle aide à valoriser la granularité des compétences, à générer des scénarios de trajectoires professionnelles sur mesure, à créer des pitchs adaptés à chaque cible (investisseurs, RH, conférences, etc.). En bref, elle redonne du pouvoir d’agir, de la clarté, et de la projection.

Mais il ne faut pas se tromper : l’IA n’est qu’un outil. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Chez Hello Masters, on l’utilise pour réinventer la façon de créer du lien, révéler les talents dans la seconde partie de carrière, et bâtir un monde du travail plus juste, plus inclusif et plus stratégique. Et ça, c’est résolument humain !

En tant que co-fondatrice d'un réseau social pour cadres expérimentés, comment envisagez-vous l'intégration de l'IA pour valoriser les compétences des professionnels aguerris?

Chez Hello Masters, nous sommes convaincus que l’intelligence artificielle peut être un formidable levier pour sortir d’un système figé, où la valeur d’un professionnel est encore trop souvent lue à travers le prisme de son dernier poste. L’IA nous permet de changer de référentiel : on passe d’une lecture par le CV à une lecture par les compétences, les expertises fines, les appétences et les capacités de transmission.

Concrètement, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que grâce à l’IA, on peut analyser, structurer et valoriser l’ensemble des savoir-faire d’un cadre expérimenté, même ceux qui ne tiennent pas en une ligne de CV. L’IA peut générer différents styles de pitch adaptés à chaque cible (investisseurs, recruteurs, comités, médias), suggérer des formations pertinentes, ou proposer des missions en adéquation avec les compétences réelles et les aspirations du moment.

L’enjeu, ce n’est pas juste de faire "matcher" des profils et des opportunités : c’est de redonner du pouvoir narratif à chacun. Reprendre la main sur son récit pro, se projeter à nouveau, réinventer sa place dans le monde du travail. Et ça, c’est un changement de culture autant qu’une révolution technologique.

Chez Hello Masters, l’IA n’efface pas l’humain. Elle le révèle.

Pensez-vous que l'IA pourrait un jour remplacer certaines tâches de leadership dans les entreprises, et quel impact cela aurait-il sur le design des organisations?

L’IA ne remplacera pas le leadership. En revanche, elle va transformer en profondeur les contours du rôle de leader. Ce n’est pas une question de substitution, mais d’augmentation. Oui, certaines tâches traditionnellement associées au leadership – comme l’analyse de données, l’identification de signaux faibles, ou même certaines décisions opérationnelles – pourront être automatisées ou optimisées. Mais le cœur du leadership – inspirer, embarquer, arbitrer, incarner une vision – restera profondément humain.

Ce qui va changer, en revanche, c’est le design des organisations. On entre dans l’ère des organisations augmentées, où l’IA devient un copilote stratégique. Cela suppose de repenser les circuits de décision, de redistribuer les responsabilités, et surtout de former les leaders à travailler avec ces outils. Le leader de demain devra autant maîtriser l’intelligence artificielle que l’intelligence émotionnelle.

Chez Hello Masters, nous pensons que les cadres expérimentés ont un rôle clé à jouer dans cette transition : ils apportent la profondeur de jugement, la capacité de discernement et l’éthique, indispensables pour encadrer l’usage de l’IA dans les entreprises. Le design organisationnel du futur ne sera pas seulement plus digital — il devra aussi être plus sage.

Pouvez-vous partager un exemple concret où l'IA a permis de résoudre un problème complexe dans le développement de Hello Masters ou dans votre parcours professionnel antérieur?

Oui, tout à fait — et je peux vous donner un exemple très parlant de ce que nous avons développé chez Hello Masters. Nous avons conçu un algorithme unique capable de dépasser la simple lecture des intitulés de poste pour aller chercher ce qui compte vraiment : les compétences sous-jacentes, les savoir-faire activables et les appétences des professionnels expérimentés.

Pourquoi c’est important ? Parce qu’à 45, 50 ou 60 ans, un intitulé de poste ne raconte qu’une fraction de l’histoire. Beaucoup de cadres aguerris ont exercé plusieurs rôles en parallèle, évolué dans des contextes complexes, ou développé des compétences rares qui ne rentrent dans aucune case classique. L’IA que nous avons créée permet de “lire entre les lignes”, d’analyser le langage de l’expérience, et de le traduire en données actionnables.

Résultat : nous parvenons à faire émerger des opportunités inattendues, des passerelles métiers, des besoins cachés — à la fois pour les talents et pour les entreprises. Un ancien directeur marketing peut par exemple se retrouver identifié comme profil idéal pour piloter une mission de transformation RSE ou d’acculturation IA dans une ETI, grâce à ses compétences en conduite du changement, en narration stratégique et en vision long terme.

C’est ça, pour nous, le vrai pouvoir de l’IA : pas d’enfermer les gens dans des cases, mais d’ouvrir des portes là où personne ne pensait qu’il y en avait.

Dans vos expériences antérieures dans le marketing digital, comment l'IA a-t-elle affirmé sa pertinence et transformé des stratégies traditionnelles d'engagement et de communication?

Avec l’IA, on peut désormais croiser des signaux faibles, des comportements réels, des intentions exprimées (ou implicites), pour générer des messages beaucoup plus fins, pertinents et engageants.

Concrètement, cela a permis de faire évoluer les stratégies de communication d’un modèle 'one size fits all' à un modèle hyper-contextualisé, quasi conversationnel. Par exemple, dans une campagne e-commerce, l’IA pouvait ajuster en temps réel les visuels, les accroches ou les offres en fonction du profil, du moment de la journée ou du canal utilisé. Résultat : des taux d’engagement en nette hausse, et surtout, une relation marque-client plus juste, plus fluide, moins intrusive.

Aujourd’hui, chez Hello Masters, on applique cette même exigence à l’univers du travail : générer des pitchs personnalisés, détecter des signaux d’intérêt, et adresser chaque dirigeant avec la tonalité et la proposition de valeur qui lui parle. L’IA ne remplace pas l’intuition stratégique — elle lui donne de la précision et de l’échelle.

En tant que leader passionnée par l'impact social, comment l'IA peut-elle contribuer à créer un monde du travail plus inclusif et durable, selon votre vision?

L’intelligence artificielle peut – et doit – être un levier de justice sociale. Mais cela suppose de la concevoir, de la gouverner et de l’appliquer avec intention. Aujourd’hui, le monde du travail est encore structuré autour de biais : biais d’âge, biais de genre, biais de diplôme, biais de parcours linéaire. L’IA, si elle est bien entraînée, peut justement nous aider à sortir de ces filtres obsolètes.

Chez Hello Masters, nous l’utilisons pour redonner de la visibilité à des talents expérimentés, trop souvent mis à l’écart malgré leur valeur stratégique. Grâce à l’IA, on peut cartographier des compétences transversales, détecter des potentiels ignorés, et proposer des trajectoires sur mesure. Cela crée un monde du travail plus inclusif, parce qu’il repose sur la compétence, pas sur le conformisme.

C’est aussi un monde plus durable. Parce qu’il valorise ce qui existe déjà, ce qui a été construit, capitalisé, transmis. Parce qu’il limite le gâchis de compétences, le turnover inutile, les reconstructions permanentes. L’IA ne doit pas accélérer le monde, elle doit l’éclairer.

C’est notre conviction : la technologie ne peut pas tout, mais bien utilisée, elle peut remettre l’humain au cœur du jeu. Et ça, c’est un véritable progrès.

Avec votre regard critique, quels sont, selon vous, les défis éthiques posés par l'adoption de l'IA dans des secteurs comme le vôtre qui valorise l'expérience humaine?

Le principal défi éthique, selon moi, c’est de ne pas laisser l’IA reproduire les biais du système qu’elle est censée améliorer. Dans des secteurs comme le nôtre, où l’on cherche à revaloriser l’expérience humaine, le risque serait que l’IA, mal entraînée ou mal pensée, continue à invisibiliser ce qui ne rentre pas dans des modèles classiques : les parcours non linéaires, les reconversions, les profils expérimentés qui ne ‘collent’ plus aux algorithmes de tri traditionnels.

L’autre défi, c’est la transparence. Il est impératif que les utilisateurs comprennent comment les recommandations sont faites, sur quels critères, et avec quelles limites. L’opacité algorithmique peut vite devenir une nouvelle forme de discrimination silencieuse. Nous devons créer des IA explicables, auditées, encadrées.

Enfin, il y a un enjeu fondamental : préserver le rôle de l’humain dans la décision. L’IA peut guider, alerter, révéler des corrélations – mais elle ne peut pas décider de la valeur d’une personne, ni de son potentiel. Chez Hello Masters, nous utilisons l’IA comme un outil d’éclairage, pas de jugement.

Nous croyons à une tech alignée avec le sens, pas juste avec la performance. Le progrès, ce n’est pas d’automatiser à tout prix. C’est de mieux décider, ensemble.


Après 15 ans de parcours au sein du groupe Publicis, dont une grande partie en tant que Directrice Générale de l'agence Marcel, Blandine a eu le privilège d'accompagner des marques de premier plan et des licornes dans des stratégies de communication à forte valeur ajoutée. Passionnée par le design des organisations et l’impact social, elle a fondé Hello Masters pour répondre à une urgence : faire de l'expérience un levier de transformation durable et inclusif du monde du travail. Hello Masters est le fruit d'un engagement de longue date. Elle a observé, autour d'elle et dans sa propre famille, les difficultés rencontrées par les professionnels expérimentés qui, malgré leur envie de contribuer, peinent à trouver un espace où leurs compétences sont pleinement valorisées. Ce réseau est là pour leur offrir une nouvelle place et repenser la manière dont le talent est intégré et valorisé à chaque étape de la carrière.

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