De formatrice à exploratrice de l’IA (Sabrina Mokhtar, KapForm’IA)

Sabrina, pouvez-vous nous raconter comment votre intérêt pour l'IA pédagogique a débuté et quel a été le moment décisif pour vous lancer dans ce domaine ?

Avant même de parler d’IA, je suis avant tout une formatrice. Et comme beaucoup, je passais 3 jours entiers à concevoir une seule journée de formation. Recherche, structuration, supports… C’était passionnant, mais épuisant.
Fin 2022, j’entends parler de ChatGPT. Des amis geeks m’en parlent, curieux. Le jour de sa sortie, je teste. Et là… choc. Bluffée. Ce truc répond, reformule, propose. Je sens qu’il y a quelque chose à creuser.
Je commence avec un objectif simple : gagner du temps sur ma communication LinkedIn. Mais impossible de maîtriser la bête : quand je veux un post, il me sort un article. Quand je veux un article, il me fait un poème !
Pas question d’abandonner. Je suis une exploratrice dans l’âme. J’ai passé 3 mois à l’apprivoiser : tests quotidiens, formations payantes, tutos gratuits… jusqu’au déclic.
Ce n’était pas juste une histoire de prompts. C’était une question de langage. Comprendre comment parler à la machine pour qu’elle serve mon message. Et là, tout a changé.
J’ai utilisé ChatGPT pour créer mes formations. Une, puis dix, puis vingt. J’ai structuré un processus. Je l’ai simplifié. Puis je l’ai transmis à d’autres formateurs. Et on a vu les résultats.
Je suis une femme de terrain, une femme de résultats. Et là, j’ai su : l’IA allait devenir mon alliée pour libérer les pédagogues de la technique. J’étais piquée. C’était le début de KapForm’IA.

En tant que créatrice du programme KapForm’IA, quelles sont les principales innovations que vous avez introduites pour améliorer l'autonomie des professionnels avec l'IA ?

Avant d’arriver à la méthode KapForm’IA, j’en ai testé une bonne dizaine… voire plus !
Mon objectif était clair : faire gagner du temps aux formateurs pour qu’ils ne se perdent pas comme moi à mes débuts.
Je voulais rendre l’IA utile, compréhensible et autonome pour les professionnels de la formation — sans jargon, sans surcharge mentale.
J’ai structuré KapForm’IA autour de 3 piliers simples mais puissants :
1. Apprendre à parler à la machine
Car sans le bon langage, l’IA reste floue.
Ici, on apprend à formuler des instructions claires et efficaces — ce qu’on appelle les prompts — pour que l’IA devienne un vrai assistant, pas un simple générateur statistique.
2. Former la machine à l’expertise du formateur et à l’ingénierie pédagogique
(Beaucoup de formateurs ne sont pas former à l'ingénierie pédagogique.)
L’idée, c’est de ne pas se contenter d’utiliser l’IA, mais de lui transmettre sa méthode, son ton et sa pédagogie.
Ainsi, l’IA s’adapte à la manière d’enseigner du formateur, et non l’inverse.
3. Amplifier l’expertise du formateur
L’IA devient ici un véritable levier de croissance : on l’utilise pour créer plus vite, structurer mieux, diffuser plus largement — tout en gardant sa touche humaine.
Et pour que tout cela soit vraiment applicable, j’ai testé, partagé, recommencé, cherché… et je continue encore aujourd’hui à affiner chaque détail. J'ai gagné 50% de productivité en 2 ans.
J'ai créer 3 niveaux Starter, Pro, Expert. Chaque formation contient un certains nombres de module. Chaque module commence par une vidéo complète, courte mais dense, où je montre la logique du module : on comprend tout de suite d’où on part et où on va.
Ensuite, l’apprenant est guidé par un workbook numérique interactif — un véritable cahier de travail digital (le terme est encore peu connu en France) — qui l’accompagne pas à pas.
Il contient :
des explications concrètes,
des recommandations pratiques,
des exemples commentés,
et surtout 5 exercices d’application par module, à faire directement avec un assistant IA préprogrammé.
En bonus :
l’audio de chaque vidéo (pour apprendre en mobilité),
les slides téléchargeables (pour réviser visuellement),
une bibliothèque de prompts interactifs (5 prompts par module),
et un quiz de 5 questions pour valider ses acquis.
Tout est pensé pour que le professionnel progresse en autonomie, à son rythme, avec une logique claire et une progression naturelle.
On ne clique pas dans tous les sens : on avance comme dans une formation humaine bien construite, avec repères, clarté et confiance.
L’objectif final : qu’un professionnel puisse dire
“Je suis autonome avec l’IA” — non pas parce qu’il a appris 100 outils, mais parce qu’il a compris comment penser et parler avec l’IA.
C’est ça, la vraie innovation.

Comment mesurez-vous l'impact de votre formation sur la productivité des formateurs, et pouvez-vous nous donner un exemple concret de ce changement ?

Personnellement, j’ai divisé par trois mon temps de préparation de formation.
Je mesure l’impact grâce à plusieurs critères :
le temps gagné à chaque étape,
la qualité des livrables (supports, activités, évaluations),
le nombre et la pertinence des échanges dans le chat IA,
et surtout, la diversité des contenus produits : supports pédagogiques, évaluations, quiz, scénarios, activités interactives…
Concrètement, l’IA permet de gagner du temps à chaque étape :
de l’analyse du besoin à la création du plan de formation, en passant par le scénario pédagogique, les programmes, les argumentaires, les quiz ou les supports visuels.
Mes clients constatent en moyenne +50 % de productivité.
Et ce n’est pas une promesse théorique :
la différence se voit dès qu’on chronomètre son temps, qu’on analyse son processus, et qu’on met en place un suivi d’amélioration continue.
La seule chose à faire évoluer, c’est notre rapport au temps et notre capacité à observer ce qu’on fait.
L’IA, elle, suit. C’est nous qu’elle amplifie.
Exemples concrets :
La création d’un quiz avec QR code : 10 min au lieu de 1h30 sans IA
Un plan de formation : 10 min au lieu de 45 min à 1h
Une présentation : 15 à 20 min au lieu de 2h
Une activité pédagogique sur mesure selon les apprenants : 10 min au lieu de 45 min à 1h
Des fiches de synthèse sur les notions clés (qu’on n’ajoutait jamais par manque de temps… aujourd’hui, elles sont prêtes en quelques minutes).

Avec plus de 50 clients formés, quelles tendances ou défis récurrents avez-vous observés dans l'adoption de l'IA dans l'éducation ?

Le plus dur, ce n’est pas d’apprendre l’IA.
C’est de désapprendre ce qu’on croit savoir… pour pouvoir réapprendre autrement.
Et pour ça, il faut un effet “Wahou”. Une démo qui surprend, qui donne envie, qui montre en direct ce qu’on peut vraiment faire avec l’IA — et qui justifie l’effort d’adaptation.
J’ai remarqué que nous sommes tous uniques et différents.
Certains préfèrent l’iPhone, d’autres Android — c’est pareil pour l’IA : certains sont team Gemini, d’autres ChatGPT ou Mistral...
Je commence souvent par une phase d’acculturation, même si mes clients veulent des résultats rapides.
Beaucoup pensent savoir utiliser l’IA… mais en réalité, ce n’est pas toujours le cas.
- 80 % se contentent de converser avec l’IA,
- 20 % obtiennent des résultats concrets au bout de 3 prompts,
et seuls 5 % ont vraiment formé leur assistant IA et l'utilisent au quotidien.
Les niveaux sont très variés, et les attentes, peurs, motivations aussi.
Chaque jour, c’est une nouvelle rencontre, donc chaque formation est différente.
Mon astuce :
J’ai toujours sous la main des outils pour 3 niveaux — débutant, intermédiaire, expert — pour que chacun puisse démarrer à son rythme, en sécurité.
Parce que l’objectif, ce n’est pas d’aller vite. C’est de progresser, de s’approprier l’outil, et de l’intégrer à sa manière… jusqu’à ce qu’il devienne invisible, fluide, et vraiment utile.

Le diagnostic IA gratuit que vous proposez est unique. Pouvez-vous expliquer son importance dans le processus d'intégration de l'IA pour les formateurs ?

J’ai choisi de l’appeler “diagnostic” parce que je fais du sur-mesure. Aujourd’hui, je ne sais pas faire autrement.
Dans la première partie, j’écoute. Je donne de l’attention à mon interlocuteur pour comprendre ses points de douleur.
Ensuite, je reformule et je propose des solutions adaptées. Quand un prospect est persuadé d’avoir un bon niveau, je lui demande simplement de me faire une démo. Pour ceux qui n’ont pas encore la vision des possibles, c’est moi qui fais la démo. Et parfois, j’utilise un prompt en 5 questions avec scoring, pour hiérarchiser les tâches redondantes, à faible valeur, qui pourraient lui faire gagner un temps précieux.
Toujours dans le même objectif :
Faire un test de positionnement rapide
Proposer des solutions personnalisées pour atteindre minimum 50% de productivité
Parce qu’au fond, chaque diagnostic est différent.
Comme chaque pro, chaque besoin, chaque rapport à l’IA.

Dans votre rôle de présidente de Toastmasters Marseille, comment appliquez-vous vos compétences en IA et en communication pour diriger des équipes et encourager l'innovation ?

À l’arrivée de ChatGPT, j’ai “soulé” tout le monde à Toastmasters ! (Il y a des coaches, formateurs, conférenciers...)
En 2023 pareil, et en 2024… toujours pareil. J’ai fait plusieurs discours sur le sujet, organisé des conférences.
Alors pour moi, il était évident d’offrir un assistant IA Toastmasters Marseille, accessible à tous les membres.
Son utilisation est multiple :
il connaît l’histoire du club, les rôles de chacun, les parcours proposés par Toastmasters.
Il peut aider à rédiger des discours, à préparer des improvisations, à clarifier des objectifs.
Tout le monde est ravi… et moi la première !

Selon vous, quelles seront les prochaines évolutions ou disruptions majeures dans l'utilisation de l'IA dans les pratiques éducatives, et comment préparez-vous vos clients à ces changements ?

L’IA est, selon moi, le miroir de nos agissements. L’ouverture de l’IA au grand public est une véritable révolution. Et comme dans toutes les révolutions, il y aura des usages bénéfiques… et d’autres, beaucoup plus préoccupants.
Pourquoi ? Parce que l’IA nous reflète.
Elle n’est ni bonne ni mauvaise en soi : elle amplifie ce qu’on lui donne.
Donc oui, il y aura de “bonnes” IA et de “mauvaises” IA, selon les intentions, les valeurs et les pratiques humaines derrière.
Ce que je sais… c’est que je ne sais pas. Et je l’assume pleinement.
Je continue à me nourrir : je regarde des émissions, des documentaires, des conférences, je lis des livres, des articles, des études, j’échange très régulièrement avec d’autres experts ou passionnés d’IA.
Mais personne ne peut prétendre savoir exactement comment l’IA va évoluer.
Parce que son évolution dépend entièrement de l’humain : de nos choix éthiques, de nos cadres légaux, de notre conscience collective. Moi, je prépare mes clients à rester acteurs, pas suiveurs. À prendre leurs responsabilités, et à avoir conscience des effets de l’IA sur la planète et sur l’humain. À se former en continu, à prendre du recul, à garder leur discernement.
C’est ça, le vrai pouvoir humain dans un monde amplifié par l’IA.


Sabrina Mokhtar. est fondatrice de KAPFORM’IA et consultante en intelligence artificielle (IA) pédagogique. Elle a formé plus de 300 professionnels et créé plus de 500 assistants IA. Sa méthode promet une augmentation de la productivité de 50 % pour les formateurs et entrepreneurs. Elle propose des diagnostics IA gratuits et des formations dans divers formats. Elle est également présidente du club Toastmasters Marseille, où elle développe les compétences en communication et leadership. Sabrina a une expérience variée dans le conseil en image et la communication.

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