1. La menace n'est pas future, elle est immédiate : 11,7 % des emplois américains sont déjà remplaçables.
Le chiffre principal de l'étude est sans équivoque : sur la base de ses capacités actuelles, l'IA peut déjà remplacer 11,7 % du marché du travail américain. Pour parvenir à ce chiffre, les chercheurs ont simulé l'impact de l'IA sur 151 millions de travailleurs américains, en cartographiant plus de 32 000 compétences réparties dans 923 professions et 3 000 comtés.
Cet impact se traduit par une somme colossale de 1,2 trillion de dollars de salaires, principalement dans des secteurs clés comme la finance, la santé et les services professionnels. Ce qui rend ce chiffre si marquant, c'est qu'il ne s'agit pas d'une projection lointaine ou d'une hypothèse sur les technologies futures. C'est une évaluation rigoureuse de ce que les systèmes d'IA existants sont capables d'accomplir dès maintenant.
2. Le vrai danger est invisible : l'effet "Iceberg".
L'étude utilise une métaphore puissante pour illustrer sa découverte principale : l'« Indice Iceberg ». La "pointe visible de l'iceberg" correspond aux licenciements et aux changements de postes très médiatisés dans le secteur de la technologie. Cependant, ces perturbations ne représentent que 2,2 % de l'exposition salariale totale, soit environ 211 milliards de dollars.
La partie immergée et massive de l'iceberg, la véritable menace, réside ailleurs. Elle concerne les fonctions de routine dans les ressources humaines, la logistique, la finance et l'administration de bureau. Ce sont ces tâches, souvent négligées dans les prévisions d'automatisation, qui constituent la majorité des 1,2 trillion de dollars de salaires exposés. Cette découverte est profondément contre-intuitive : le plus grand risque ne se trouve pas là où les médias se concentrent habituellement.

3. Non, ce n'est pas qu'un problème de la Silicon Valley.
Une autre idée reçue battue en brèche par l'étude est que le risque lié à l'IA serait confiné aux grands pôles technologiques côtiers. Les simulations de l'Indice Iceberg démontrent au contraire que les professions exposées sont réparties dans les 50 États, y compris dans les régions rurales et intérieures qui sont souvent exclues des conversations sur l'IA. L'outil permet une analyse d'une précision sans précédent, comme le souligne la sénatrice de l'État de Caroline du Nord, DeAndrea Salvador, qui a travaillé en étroite collaboration avec le MIT sur ce projet en tant que partenaire politique :
"L'une des choses que vous pouvez obtenir, ce sont des données spécifiques au comté pour dire essentiellement, au sein d'un certain bloc de recensement, voici les compétences qui sont actuellement utilisées, puis faire correspondre ces compétences avec la probabilité qu'elles soient automatisées ou augmentées, et ce que cela pourrait signifier en termes de changements dans le PIB de l'État dans cette région, mais aussi en matière d'emploi."
4. Ce n'est pas une fatalité, c'est un outil de préparation.
Loin de se contenter d'un diagnostic alarmant, l'étude propose des solutions. L'Indice Iceberg n'est pas un "moteur de prédiction" conçu pour annoncer des pertes d'emplois inévitables. Il s'agit plutôt d'un "jumeau numérique" du marché du travail américain, un puissant "bac à sable" pour les décideurs politiques.
Prasanna Balaprakash, directeur à l'ORNL, explique que cette simulation à grande échelle est rendue possible car l'ORNL, un centre de recherche du ministère de l'Énergie, abrite le superordinateur Frontier, l'un des plus puissants au monde. C'est cette puissance de calcul qui permet de mener des expériences au niveau de la population pour voir comment l'IA remodèle les tâches et les compétences, bien avant que ces changements ne se manifestent dans l'économie réelle.
Des États comme le Tennessee, la Caroline du Nord et l'Utah utilisent déjà activement cet outil. Le Tennessee a été le premier à agir, citant l'Indice Iceberg dans son Plan d'Action officiel pour la Main-d'œuvre face à l'IA publié ce mois-ci. Ils s'en servent pour élaborer des plans concrets et tester divers scénarios politiques avant d'engager des milliards de dollars dans des programmes de formation ou de reconversion professionnelle.
Se préparer plutôt que de prédire
L'étude du MIT et de l'ORNL révèle que l'impact de l'IA est plus large, plus profond et plus immédiat que beaucoup ne l'imaginaient. Mais pour la première fois, elle montre aussi que nous disposons d'outils sophistiqués pour anticiper et nous préparer à ces changements de manière proactive, plutôt que de simplement les subir. L'enjeu n'est plus de prédire l'avenir, mais de le modéliser pour mieux s'y adapter.
Maintenant que nous pouvons cartographier le risque au niveau local, comment votre communauté peut-elle se préparer à la transformation du travail à venir ?