Damien, comment êtes-vous passé de votre expérience en direction technique et digitale à la fondation d’Elizia, une entreprise spécialisée dans l'intelligence artificielle ? Quel a été le déclic pour lancer cette aventure ?
J’ai toujours cherché à relier la technologie à la valeur business. Dans mes précédentes expériences, j’ai accompagné des entreprises dans leur transformation digitale, leur stratégie marketing ou leurs architectures techniques.
Mais ces derniers mois, un changement de paradigme s’est opéré : nous sommes passés d’une IA générative à une IA agentique.
L’IA générative produit du contenu — texte, image, code, vidéo — en réponse à des requêtes humaines. Elle répond à un besoin, de manière réactive.
L’IA agentique, en revanche, est conçue pour agir de façon autonome, poursuivre des objectifs, prendre des décisions et orchestrer des actions multiples.
Elle est proactive, pas seulement réactive.
Et même si la frontière entre les deux n’est pas toujours nette, l’avenir de l’IA réside sans doute dans une hybridation : des systèmes capables à la fois de générer du contenu et d’agir intelligemment selon un but précis.
Pour les entreprises, cela change tout.
Plus l’IA devient agentique, plus elle libère l’humain des tâches répétitives pour qu’il se concentre sur la stratégie, la créativité et la décision.
C’est exactement ce qui m’a poussé à créer Elizia : accompagner les organisations dans cette transition, en leur donnant les moyens de transformer l’IA en levier d’action concret.
Le vrai déclic, ça a été l’orchestration entre les agents : le moment où une IA devient capable non seulement d’agir, mais aussi de confier des tâches à d’autres agents.
C’est là que j’ai compris qu’on passait d’un assistant isolé à un véritable système intelligent.
Comment décririez-vous l'impact de l'intelligence artificielle sur la performance des PME et ETI aujourd'hui ? Pouvez-vous donner des exemples concrets issus de votre travail avec Elizia ?
L’IA est aujourd’hui un levier de performance exceptionnel — à condition d’être utilisée avec méthode.
Ce n’est pas la taille de l’entreprise qui compte, mais sa capacité à adopter une IA utile et bien intégrée.
Chez Elizia, nous voyons chaque jour des gains immédiats et mesurables lorsqu’on déploie des agents conçus pour répondre à des besoins très concrets.
Par exemple, pour une société de formation, nous avons conçu CallIA, un standardiste intelligent capable de répondre automatiquement aux appels entrants, d’identifier les besoins des clients et de planifier les rendez-vous directement dans l’agenda de l’équipe.
L’agent gère les appels 24h/24, avec un ton naturel et professionnel, et s’intègre aux outils de messagerie et de calendrier déjà utilisés.
Résultat : une réactivité démultipliée et un gain de temps considérable pour les équipes, qui peuvent se concentrer sur le suivi client et la qualité de service.
Dans un autre cas, nous avons accompagné une entreprise de services dans l’automatisation complète de ses rapports clients bi-mensuels.
L’agent développé extrait automatiquement les données de plusieurs fichiers et bases internes, les consolide, puis génère des rapports complets au format attendu.
Ce travail, qui représentait auparavant près de quarante heures par mois, est désormais effectué sans intervention humaine, avec une régularité et une précision constantes.
Enfin, pour un grand service RH interne, nous avons mis en place HRBot, un assistant conversationnel IA accessible depuis Teams et Slack.
Il répond instantanément aux questions récurrentes des collaborateurs — congés, paie, avantages, procédures internes — et soulage ainsi les équipes RH des demandes répétitives.
C’est un bon exemple de la manière dont l’IA peut améliorer l’expérience employé, fluidifier la communication et redonner du temps aux équipes pour des missions à plus forte valeur humaine.
Ces projets illustrent bien notre conviction : lorsqu’elle est bien pensée, l’IA n’est pas un gadget. C’est un accélérateur de performance et de qualité opérationnelle.
Elle ne remplace pas les équipes, elle les amplifie — en libérant du temps, en réduisant la charge cognitive et en fiabilisant les processus clés de l’entreprise.
Vous collaborez étroitement avec des dirigeants pour intégrer l'IA dans leur stratégie. Quels sont les obstacles les plus courants que vous rencontrez et comment les surmontez-vous ?
Les freins ne sont pas technologiques, ils sont culturels et organisationnels.
Beaucoup d’entreprises voient encore l’IA comme une boîte noire, complexe ou inaccessible.
Pourtant, la transformation IA est inévitable.
Les entreprises qui ne prennent pas le virage dès maintenant accumuleront rapidement du retard — un retard qui, dans certains cas, peut devenir irréversible.
Aujourd’hui, la question n’est plus “faut-il intégrer l’IA ?” mais bien “comment le faire intelligemment, efficacement et de manière responsable ?”
Certains salariés perçoivent encore l’IA comme une menace ou un concurrent susceptible de les remplacer.
En réalité, il faut la voir comme un super-assistant, capable de s’occuper des tâches répétitives, chronophages et sans valeur ajoutée, pour permettre aux collaborateurs de se concentrer sur ce qui crée réellement de la valeur : la créativité, la stratégie, la relation humaine.
C’est pour cela qu’il est essentiel d’embarquer les équipes dans cette transformation, pas de la leur imposer.
Chez Elizia, nous accompagnons les dirigeants dans une démarche d’acculturation et de formation, notamment sur le prompting, la création d’agents IA et la compréhension des flux de données.
L’objectif : que chacun, du manager au collaborateur, comprenne comment utiliser l’IA et en tirer parti au quotidien.
Enfin, un point fondamental reste souvent sous-estimé : la gouvernance des données.
Les dirigeants doivent être vigilants sur la sécurité, le cloisonnement et la conformité des informations manipulées par les agents IA.
Sans un cadre solide, l’adoption de l’IA peut vite devenir un risque plutôt qu’un levier.
C’est pourquoi nous plaçons ces questions au cœur de chaque projet : la transformation IA doit être à la fois humaine, stratégique et sécurisée.
Avec votre expérience variée dans des rôles de direction chez Piment.io, MINK et en tant que consultant, comment ces expériences ont-elles façonné votre vision de l'IA en milieu professionnel ?
J’ai toujours été passionné par la tech, les architectures logicielles et l’évolution des outils et des patterns au sein de la communauté des développeurs.
Cette curiosité m’a poussé à comprendre en profondeur comment les systèmes fonctionnent et comment les améliorer.
Très tôt, j’ai eu l’opportunité de manager des équipes de plusieurs dizaines de personnes, ce qui m’a permis de comprendre les dynamiques humaines et la réalité opérationnelle des entreprises.
Mais ce que j’aime le plus dans mon métier, c’est découvrir de nouvelles problématiques métiers chez mes clients et imaginer des solutions techniques et organisationnelles avec pragmatisme.
Et parce que je connais bien la situation d’un dirigeant de PME — ses craintes, ses enjeux, ses priorités — je vais droit au but.
Les audits et accompagnements que je propose sont efficaces car je comprends très vite comment l’IA et les automatisations peuvent lui faire gagner en productivité, en sérénité et en clarté stratégique.
Ces expériences, à la croisée de la tech, du management et du business, ont façonné ma vision de l’IA : elle n’est pas un simple outil, mais un levier d’organisation et de performance à l’échelle humaine.
En tant qu'expert des applications mobiles et dispositifs mobiles, comment voyez-vous l'IA transformer ces domaines et quels sont les enjeux techniques que cela implique ?
Nous restons encore fortement attachés à nos téléphones, qui concentrent aujourd’hui l’essentiel de nos interactions numériques.
Mais une nouvelle génération de supports est en train d’émerger — et elle va bouleverser notre rapport à la technologie.
Les lunettes connectées, comme celles développées récemment par Meta, en sont un bon exemple.
Elles promettent de devenir un véritable super-assistant, capable d’observer, d’écouter et d’interagir avec notre environnement en temps réel.
Grâce à leurs caméras et capteurs, ces dispositifs apportent à l’IA un niveau de contexte inédit : ce que l’utilisateur voit, entend, ou même fait à un instant donné.
Et ce contexte, c’est justement ce qui manque aujourd’hui aux modèles d’intelligence artificielle pour être pleinement efficaces.
L’IA, intégrée dans ces nouveaux supports, va permettre de comprendre les situations, anticiper les besoins et agir de manière proactive plutôt que réactive.
C’est un pas immense vers des assistants réellement intelligents et situés dans le quotidien, capables de nous accompagner de façon fluide et naturelle.
Sur le plan technique, cela pose plusieurs enjeux majeurs, l’interopérabilité entre les appareils et les systèmes d’information, la gestion en temps réel des flux de données multimodales (audio, vidéo, texte), et bien sûr la sécurité et la confidentialité de ces données très sensibles.
Chez Elizia, nous suivons de près cette évolution car elle annonce une nouvelle ère d’interfaces contextuelles, où l’IA ne sera plus simplement dans un outil, mais autour de nous.
Et c’est dans cette convergence entre mobilité, contexte et intelligence que se joue l’avenir de l’expérience numérique.
Quelles tendances ou innovations en IA vous passionnent le plus actuellement et comment pensez-vous qu'elles vont influencer le monde professionnel d'ici quelques années ?
Ce qui me passionne aujourd’hui, c’est la nouvelle génération d’infrastructures IA, et notamment l’émergence du protocole MCP — Model Context Protocol.
Ce protocole joue un rôle d’interprète universel entre les agents IA et les logiciels d’entreprise.
Il permet enfin à ces systèmes de se comprendre et d’agir ensemble, sans passer par des intégrations complexes ou coûteuses.
Concrètement, un serveur MCP devient une sorte de pont intelligent entre les différents outils utilisés par une organisation — CRM, ERP, outils métiers, bases de données ou plateformes SaaS.
Grâce à cette interopérabilité, on voit apparaître un phénomène majeur : l’orchestration multi-agents.
Des agents spécialisés peuvent désormais collaborer entre eux : un agent peut confier une tâche à un autre, vérifier son résultat, ou déclencher une suite d’actions coordonnées selon le contexte.
C’est une étape clé : on passe de l’intelligence isolée à l’intelligence collective automatisée.
Pour les entreprises, cela signifie que l’IA ne se limite plus à une tâche précise ou à un service ponctuel : elle devient un écosystème vivant, capable de coordonner des processus entiers, d’adapter ses actions, et de faire circuler l’information en temps réel.
Chez Elizia, nous voyons dans cette évolution la naissance d’une nouvelle génération d’organisations augmentées : des entreprises capables de s’appuyer sur des réseaux d’agents interconnectés, fiables et souverains, intégrés au cœur de leurs outils.
C’est une transformation aussi profonde que celle qu’a provoquée Internet il y a vingt ans — mais cette fois, elle touche directement la manière dont les entreprises pensent, décident et opèrent.
Si vous deviez conseiller un jeune entrepreneur souhaitant entrer dans le domaine de l'intelligence artificielle dédiée à l'amélioration des entreprises, quels conseils clés lui donneriez-vous pour réussir ?
Je lui dirais : ne commence pas par la technologie, commence par le besoin.
L’IA n’est pas une fin, c’est un moyen.
Cherche d’abord à résoudre un problème concret, expérimente vite, et apprends encore plus vite.
Et surtout : garde la main.
L’IA doit être un levier d’autonomie, pas de dépendance.
Ceux qui réussiront ne seront pas ceux qui ont les meilleurs modèles, mais ceux qui savent les mettre au service du sens et de la stratégie.
Depuis plus de 20 ans, Damien accompagne les entreprises dans la conception et la mise en œuvre de solutions digitales performantes. Il a commencé sa carrière en 2001 comme développeur, avant de devenir chef de projet dans une ESN internationale, puis CTO et COO pendant 10 ans au sein d'une agence spécialisée dans les applications mobiles. Plus récemment, il a occupé le poste de Directeur Général et associé d'une agence de développement sur mesure dédiée à la conception, au design et à la réalisation de logiciels pour les entreprises. Fort de ce parcours à la croisée de la tech et du management, il a créé Elizia pour aider les dirigeants à intégrer l'intelligence artificielle de manière concrète et stratégique — afin de rendre leurs équipes plus efficaces et leurs organisations plus agiles.