Alors que l’intelligence artificielle transforme à grande vitesse nos outils du quotidien, son adoption à l’échelle des entreprises soulève des enjeux bien plus complexes qu’une simple mise à jour technologique. Réunis au Carrousel du Louvre, au sommet RAISE, des leaders de l’industrie ont exploré les défis culturels, organisationnels et humains liés à l’essor de l’IA d’entreprise. Entre promesses d’innovation, nécessité de bâtir la confiance, et réinvention du travail, ce panel met en lumière les véritables clés d’une intégration réussie de l’IA dans les structures professionnelles.
L’IA d’Entreprise : Le Prochain Grand Tournant de l’Innovation Logicielle

Dans le décor grandiose du Carrousel du Louvre, un panel d'experts s’est réuni au sommet RAISE pour débattre de l’avenir de l’intelligence artificielle dans le monde de l’entreprise. Autour de la table : Olivier Pomel (Datadog), Naveen Rao (Databricks), Ross Mason (Mulesoft), Andrey Khusid (Miro) et Mark Minevich (Mayfield), ce dernier assurant le rôle de modérateur. Le thème ? « Enterprise AI: The Next Frontier of Software Innovation ». Un sujet brûlant, au cœur des préoccupations des dirigeants comme des développeurs, à mesure que l’IA passe du stade expérimental à celui d’une adoption plus concrète, mais non sans obstacles.


Un virage culturel et stratégique incontournable

Le constat est unanime : intégrer l’IA dans les processus d’entreprise ne relève pas uniquement d’une prouesse technologique. Cela nécessite un véritable changement de paradigme culturel. À l’opposé de précédentes vagues technologiques – comme le cloud computing, qui n’a fait que déporter l’infrastructure – l’IA transforme en profondeur les mécanismes de décision. « L’IA ne déplace pas, elle remodèle », résume Naveen Rao. Et ce remodelage exige que les entreprises repensent entièrement leurs interactions, leur gouvernance et surtout, leur rapport à la confiance.

Le mot « confiance » est revenu comme un leitmotiv durant toute la conférence. Si les algorithmes peuvent aujourd’hui exécuter des tâches complexes à une vitesse et une échelle surhumaines, leur opacité intrinsèque effraie encore. Qui comprend vraiment pourquoi un modèle a pris une décision plutôt qu’une autre ? Comment garantir que les biais ne s’immiscent pas dans les résultats ? Pour les intervenants, la solution passe par une nouvelle « architecture de la confiance », à établir avant même d’espérer des gains de productivité significatifs.


Entre innovation ouverte et modèles propriétaires

L’un des autres grands débats abordés lors de ce panel est celui de l’open source versus les modèles fermés. Pour Naveen Rao, l’écosystème va rester hybride : « Le monde de l’IA n’est pas binaire. On voit émerger une cohabitation entre modèles ouverts puissants et solutions propriétaires robustes. Les deux répondent à des logiques différentes, mais peuvent coexister dans une même organisation. »

Cette dynamique est alimentée par une pression concurrentielle globale, particulièrement de la part d’acteurs chinois et américains qui misent massivement sur l’open source pour accélérer l’innovation. Résultat : les entreprises européennes doivent apprendre à naviguer dans une jungle technologique mouvante, en veillant à équilibrer sécurité, performance et souveraineté des données.



Une culture de l’itération, pas de la perfection

Autre axe fondamental : la nécessité pour les entreprises de s’affranchir de leur culture du « zéro défaut ». « L’IA fonctionne par itération. Attendre qu’un modèle soit parfait pour le déployer, c’est courir à l’échec », affirme Olivier Pomel. Dans les entreprises traditionnelles, on valide, on teste, on fige. Avec l’IA, c’est l’inverse : il faut déployer, observer, ajuster.

Cette approche agile implique également d’accepter l’échec comme un moteur d’apprentissage. Les entreprises doivent cultiver un environnement où l’expérimentation est valorisée, où les erreurs ne sont pas sanctionnées mais analysées. C’est cette posture qui permettra de libérer tout le potentiel de l’IA, au-delà des simples gains d’efficacité.


La révolution des métiers : vers un nouveau profil d’employé

L’intelligence artificielle ne supprime pas les métiers, elle les transforme. C’est l’un des autres points forts évoqués par les intervenants : la montée en puissance des « généralistes augmentés ». Plutôt que de multiplier les experts ultra-spécialisés, les entreprises vont chercher des profils capables de manier les outils IA, d’en comprendre les ressorts et d’orchestrer leur intégration dans des workflows complexes.

Pour Ross Mason, cette évolution va redonner de la valeur à la polyvalence : « Nous avons trop longtemps opposé techniciens et stratèges. Demain, les meilleurs collaborateurs seront ceux qui savent passer de la vision au prototype, de l’idée à l’automatisation. »

Ce changement implique un effort colossal de formation continue. L’apprentissage ne peut plus être cantonné à des modules annuels figés ; il doit devenir permanent, fluide, embarqué dans le quotidien des collaborateurs.


Le rôle central de l’humain : créativité, supervision et intuition

« L’IA peut écrire, résumer, recommander… Mais elle ne peut pas encore comprendre les besoins latents, capter les signaux faibles ou inventer des usages », souligne Andrey Khusid. L’humain reste indispensable dans les premières phases d’un projet : identification du problème, formulation des hypothèses, cadrage du besoin. L’automatisation intervient ensuite, pour accélérer et affiner.

Cette complémentarité entre l’humain et la machine est un enjeu d’équilibre. Trop d’automatisation peut engendrer une perte de contrôle, une déshumanisation des processus, voire des erreurs graves. À l’inverse, une IA sous-exploitée reste un gadget. Il faut donc penser les systèmes comme des outils d’augmentation, et non de substitution.


Des conseils concrets pour les entrepreneurs et les dirigeants

En conclusion de ce panel, plusieurs recommandations ont été formulées pour les entreprises souhaitant se lancer dans l’IA de manière stratégique et responsable :

  1. Élaborer une stratégie Go-To-Market solide : La technologie ne suffit pas. Il faut convaincre les clients, instaurer la confiance, démontrer les bénéfices concrets.

  2. Intégrer les utilisateurs dès le départ : L’IA n’est pas une boîte noire à livrer clé en main. Il faut co-construire avec les métiers, écouter les retours, adapter.

  3. Miser sur des cycles courts d’itération : Plutôt que de viser une solution parfaite, il est préférable de tester des MVP, de les enrichir au fil de l’eau.

  4. Former les équipes en continu : L’IA évolue vite, très vite. Seules les organisations apprenantes pourront suivre le rythme.

  5. Assurer une supervision humaine systématique : Même les meilleurs modèles doivent être encadrés, audités, expliqués. C’est une condition de la confiance à long terme.


Vers un avenir hybride et collaboratif

À l’issue de cette conférence, un message s’impose : l’avenir de l’IA en entreprise ne se résume pas à une course technologique. Il s’agit d’un projet de transformation globale, qui touche à la stratégie, à la culture, à la gouvernance et au sens même du travail.

L’IA n’est ni une baguette magique, ni un péril imminent. Elle est un levier, à condition d’être maniée avec méthode, lucidité et éthique. Le plus grand défi ne sera pas de créer des modèles plus puissants, mais de bâtir un écosystème de confiance, où l’humain reste au centre – en créateur, en superviseur, en garant de la valeur.

Le RAISE summit a été le théâtre d’une prise de conscience collective : l’IA d’entreprise est bien le nouveau front de l’innovation logicielle, mais elle n’avancera que si les hommes et les machines marchent côte à côte, dans une logique de coévolution. Le voyage ne fait que commencer.


PS : En partenariat avec https://recaphub.co/

PS
: Dans ce contexte, Zenbaia se présente comme la solution innovante, permettant de créer des agents intelligents utilisant l'IA générative sans expertise technique, boostant ainsi la productivité et les performances.


Olivier Pomel est le PDG et co-fondateur de Datadog, une entreprise spécialisée dans les outils de surveillance et d'observabilité pour les équipes DevOps. Il a une expérience de plus de 15 ans dans ce rôle. Avant Datadog, il a été vice-président de la technologie chez Wireless Generation, où il a dirigé une équipe d'ingénieurs et contribué au développement de produits utilisés par des millions d'élèves. Il a également occupé des postes d'ingénieur logiciel chez Silicongo, Neomeo et IBM Research. Olivier est diplômé de CentraleSupélec.

Naveen Rao est Vice-Président de l'Intelligence Artificielle chez Databricks depuis juillet 2023. Il est neuroscientifique et entrepreneur, ayant cofondé Nervana pour transformer la computation. Il a une vaste expérience en architecture de processeurs et en investissement. Il est membre de plusieurs conseils d'administration, notamment à l'Allen Institute et Beacon Biosignals. Il possède un doctorat en neurosciences de l'Université Brown. Ses compétences incluent les algorithmes et les neurosciences, avec de nombreuses recommandations de ses pairs.

Ross Mason est le fondateur de MuleSoft et partenaire fondateur de DIG Ventures. Il a transformé MuleSoft, un projet open-source, en une entreprise cotée en bourse (NYSE : MULE) avant son acquisition par SalesForce en 2018. Actuellement, il se concentre sur DIG Ventures, une société de capital-risque qui aide les fondateurs à réussir avec moins de stress. Il a également des rôles de conseil au sein de plusieurs entreprises, dont Syncari et Flock. Ross a une formation en informatique de l'Université de l'Ouest de l'Angleterre.

Andrey K. est le CEO de Miro, une plateforme de tableau blanc pour la collaboration des équipes. Il a fondé Miro en 2011 et a précédemment dirigé Vitamin Group. Il a une formation en administration des affaires, avec une maîtrise de la Haute École d'Économie. Miro compte plus de 25 millions d'utilisateurs et 120 000 clients payants, incluant des entreprises telles que Netflix et Spotify. Andrey valorise l'innovation, le travail d'équipe et l'expérimentation.

Mark Minevich est un leader mondial en intelligence artificielle, stratège, investisseur et auteur. Il est partenaire fondateur et président de Going Global Ventures, une société d'investissement basée à New York. Il est également partenaire stratégique chez Mayfield Venture Capital. Mark siège au conseil d'administration de l'International Data Center Authority et co-préside l'AI150 sous Constellation Research. Il conseille plusieurs entreprises et gouvernements, notamment Hitachi et Aramco. Auteur prolifique, il a publié plus de 120 articles pour Forbes et plusieurs livres, dont "Our Planet Powered by AI". Il a reçu de nombreuses distinctions dans le domaine de l'IA.

Hervé Gonay est le fondateur de Zenbaia, une plateforme innovante d'intelligence artificielle destinée à optimiser la productivité des professionnels. Avec une expérience significative dans le domaine du marketing et de l'IA, il a co-fondé plusieurs entreprises, dont GetQuanty et IA 4 BUSINESS. Hervé possède des compétences solides en consulting, e-commerce, et en gestion des données. Il a également occupé des postes de direction chez des entreprises renommées comme Oracle et SAP.

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