On imagine souvent la transformation numérique comme une course effrénée à l'adoption des dernières technologies. Pourtant, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises ont déjà dépassé ce stade. Elles développent aujourd'hui une approche plus mature, lucide et pragmatique, passant d'une simple "digitalisation" réactive à une véritable stratégie numérique intégrée. Cet article, basé sur les données du baromètre "Future Ready" d'EY, révèle cinq enseignements surprenants qui bousculent notre perception de leur transformation et dessinent les contours d'une nouvelle ère.
5 vérités contre-intuitives sur la transformation numérique et IA des entreprises françaises

Au-delà des apparences, nos 5 enseignements clés

1. Une maturité perçue en baisse ? C'est en fait un signe de progrès.

Le premier constat est paradoxal : la perception de la maturité digitale des ETI a baissé. Ce chiffre ne doit pas être interprété comme une régression, mais plutôt comme un signe de plus grande expertise. Ayant acquis une meilleure connaissance des enjeux, les dirigeants sont plus lucides sur le chemin qu'il reste à parcourir et placent désormais "la barre plus haut". Cette lucidité stratégique n'est pas un simple sentiment ; elle se traduit par des actes d'investissement concrets. En effet, 48 % des dirigeants prévoient d'augmenter leurs investissements numériques dans les 12 prochains mois et 45 % de les maintenir, preuve d'une préparation active à la prochaine vague de transformation. Cette prise de conscience s'accompagne d'une confiance solide : 89 % des dirigeants se sentent capables de relever le défi.

Seuls 2/3 des dirigeants d’ETI jugent leur entreprise mature ou en développement, contre 3/4 en 2022.

2. Le vrai pilote n'est plus celui que vous croyez.

Conséquence directe de cette nouvelle exigence stratégique, un changement majeur s'est opéré dans le pilotage de la transformation. Longtemps délégué à la Direction des Systèmes d'Information (DSI), ce rôle est aujourd'hui repris en main au plus haut niveau. Ce changement de paradigme est quantifiable : la part des dirigeants pilotant directement la transformation a bondi de 19 points, tandis que celle de la DSI a chuté de 14 points. Ce transfert de pouvoir démontre que la transformation numérique n'est plus perçue comme un simple sujet technique en silo, mais bien comme un enjeu stratégique au cœur du modèle d'affaires, piloté par la Direction Générale.

64 % des dirigeants déclarent reprendre directement la main sur les opérations (+19 points par rapport à 2023).

3. La cybersécurité : l'urgence absolue qui éclipse le reste.

Alors que l'intelligence artificielle monopolise l'attention médiatique, la priorité numéro un des ETI est bien plus défensive. La cybersécurité s'impose comme le premier poste d'investissement, citée comme une priorité par 76 % des dirigeants. Cette urgence s'explique par une réalité stratégique implacable : devenues des cibles de choix car souvent perçues comme "moins bien protégées" que les grands groupes mais plus lucratives que les PME, les ETI sont en première ligne. La leçon est claire : le fondement de toute transformation ambitieuse est une entreprise solidement sécurisée.

45 % des ETI ont subi une cyberattaque en 2023.

4. L'IA : un outil d'optimisation, pas (encore) une révolution du modèle d'affaires.

Face à l'engouement pour l'intelligence artificielle, les ETI adoptent une approche mesurée qui témoigne de leur maturité stratégique. Loin d'une course à l'implémentation, leur prudence n'est pas un signe de retard mais un choix délibéré. Elles se concentrent sur les prérequis : 83 % des dirigeants estiment déjà que leur entreprise possède une excellente maîtrise de la collecte et du tri des données. Fortes de cette fondation solide, elles perçoivent l'IA avant tout comme un levier d'efficacité opérationnelle plutôt qu'un bouleversement du modèle d'affaires. L'intérêt est bien réel, avec des déploiements ciblés sur le cœur de métier (marketing, opérations, R&D) et des actions de montée en compétence (38 %) pour préparer l'avenir sur des bases saines.

Pour 58 % des dirigeants, l’IA est perçue davantage comme un outil d’optimisation qu’un actif stratégique indispensable (20 %).

5. Les outils de connaissance client progressent, mais l'impact sur le terrain se fait attendre.

Les ETI ont réalisé des progrès significatifs dans la digitalisation de leur relation client, avec une large adoption des outils de suivi. Cependant, cette avancée technologique ne se traduit pas encore pleinement en bénéfices opérationnels. Près d'un quart des collaborateurs estime que ces nouveaux outils n'ont pas encore entraîné de changement concret sur le terrain. Ce constat illustre un défi classique de la transformation : le décalage entre l'implémentation d'une technologie et son adoption culturelle et opérationnelle par les équipes. Le véritable enjeu n'est plus l'outil, mais sa parfaite intégration dans les processus quotidiens.

76 % des entreprises utilisent des outils de suivi et de pilotage de la relation client.

De la course à la maîtrise

Les ETI françaises sont bel et bien entrées dans une nouvelle phase de leur transformation. Moins axée sur la course à l'outil, cette étape est plus stratégique, plus lucide et infiniment plus pragmatique. Alors que les standards s'élèvent et que la stratégie se précise, la vraie question n'est plus "faut-il se transformer ?" mais "comment transformer cette maturité croissante en un avantage compétitif durable ?".

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