Guillaume, en tant que coach exécutif en IA, pouvez-vous nous raconter ce qui vous a amené à intégrer la stratégie de déploiement de l'IA générative dans votre carrière et en quoi cela a marqué un tournant pour vous ?
Chez Stellantis, j’ai toujours été au cœur de la veille et de l’innovation. Bien avant l’arrivée de l’IA, mon métier consistait déjà à détecter de nouvelles solutions, à les expérimenter et à les déployer pour répondre à des besoins concrets émanant de toute l’entreprise — et cela veut dire des milliers de métiers différents, dans des domaines très variés. Mon « unfair advantage », c’est que j’étais littéralement payé pour explorer, tester, et mettre en œuvre des technologies émergentes à grande échelle.
Il y a une dizaine d’années, j’ai commencé à intégrer les premières briques d’intelligence artificielle dans mes projets. Puis, il y a trois ans, l’IA générative a tout accéléré. Dès les premiers modèles disponibles, j’ai senti que ce n’était pas juste une évolution technologique, mais une révolution dans l’accès à la compétence. Des collaborateurs sans background technique pouvaient soudain automatiser des tâches, produire du contenu de qualité ou structurer une idée en quelques minutes. Là, j’ai vu un changement de paradigme.
Ce tournant m’a poussé à élargir mon rôle : en plus de la veille et du test, j’ai intensifié mes actions de transmission. Aujourd’hui, j’accompagne les COMEX en 1v1, je donne des conférences, et j’aide à construire des stratégies d’intégration de l’IA générative alignées sur les enjeux humains et business. Mon parcours technique me permet de garder les pieds sur terre, tout en offrant une vision à 360° sur l’adoption à l’échelle de l’entreprise.
Avec plus de 20 ans d'expérience dans la transformation numérique, comment avez-vous vu l'évolution de l'IA générative, et comment expliquez-vous son rôle croissant dans les entreprises modernes ?
Ce qui est fascinant, c’est la vitesse. Il y a encore dix ans, l’IA était surtout l’affaire des data scientists : des modèles complexes, souvent réservés à des cas d’usage précis et techniques. Puis est venue l’IA générative, qui a renversé la table. En trois ans à peine, on est passés d’une technologie émergente à un outil de production quotidien pour des millions d’utilisateurs. Elle permet à chacun de créer du code, du texte, des visuels, d’analyser, de synthétiser… avec un niveau de qualité bluffant.
En entreprise, cela change tout. Ce n’est plus une question de transformation digitale au sens classique. L’IA générative bouscule les lignes métiers, redéfinit les rôles, les compétences, la production de valeur. Elle s’intègre dans le quotidien des RH, du juridique, du marketing, de l’ingénierie, de la finance. Je le vois de l’intérieur : ce sont des métiers très différents qui viennent me solliciter pour comprendre ce qu’ils peuvent en faire, comment l’intégrer sans tout casser.
Ce rôle croissant s’explique par deux choses : l'accessibilité (on n’a plus besoin d’être expert pour créer), et le gain immédiat (temps, clarté, productivité). Pour autant, il faut l’accompagner : cette technologie soulève des questions de qualité, de gouvernance, d’éthique. Mon rôle aujourd’hui, c’est de faire le lien entre la puissance technologique et la réalité opérationnelle. Je traduis, je cadre, j’éclaire les décisions — et j’aide les entreprises à en faire un levier, pas un gadget.
Vous avez remporté le prix Innovation Stellantis 2024, pourriez-vous nous parler du projet qui vous a valu cette distinction et ce que cela représente pour vous et votre vision de l'innovation ?
Ce prix m’a été attribué pour un projet pionnier d’intégration de l’IA générative à grande échelle, dans un environnement sécurisé et accessible à tous les métiers. Ce que beaucoup d’organisations commencent tout juste à explorer aujourd’hui, nous l’avons mis en place chez Stellantis… il y a deux ans. À l’époque, j’avais perçu très tôt le potentiel de rupture de cette technologie et j’ai structuré une plateforme low-code/no-code, capable de rendre l’IA générative utile et opérationnelle dès le premier jour.
Nous avons permis à des centaines de collaborateurs de prototyper des assistants métiers, d’automatiser leurs tâches, de produire du contenu, sans dépendre de l’IT ni de compétences techniques. Ce déploiement s’est accompagné d’une stratégie d’accompagnement fort : évangélisation, sessions 1v1 avec les directions, pilotage des cas d’usage, mise en place d’une gouvernance responsable.
Ce prix valide non seulement l’impact du projet, mais aussi notre avance stratégique. Ce que j’ai initié il y a deux ans est en train de devenir un standard dans de nombreuses entreprises. Et aujourd’hui, nous allons encore plus vite : avec les équipes, nous explorons des cas d’usage plus complexes, nous connectons l’IA à nos systèmes internes, nous générons de nouveaux outils métiers en quelques jours.
Pour moi, l’innovation ne vaut que si elle est utile, partageable et durable. Ce prix symbolise cette vision : anticiper, tester, diffuser — et toujours garder un temps d’avance.
Dans votre rôle actuel chez Stellantis, en tant qu'évangéliste de l'IA générative, comment abordez-vous le défi de convaincre les parties prenantes internes de l'importance de cette technologie ?
Convaincre passe d’abord par l’action. Depuis toujours, j’ai été formé à faire mieux avec peu : pas de budget pharaonique, pas de dépendance aux grandes structures. Pour aller vite, il faut savoir voyager léger. Et l’IA générative est une formidable alliée pour ça.
Dès le départ, j’ai ciblé des cas concrets : un besoin métier, une solution simple, un prototype fonctionnel. Grâce aux outils no-code et low-code, on peut construire en quelques heures ce qui prenait des mois. Ce pragmatisme a permis d’embarquer les équipes, puis les décideurs. On ne parle pas d’un futur incertain, mais d’un outil opérationnel, ici et maintenant.
Je m’appuie sur mon ADN : un profil très technique, inventif, avec une culture de l’innovation de terrain, et une veille constante qui me permet de rester à la pointe. Mon rôle, c’est de détecter très tôt les bons leviers, de les tester, de les adapter au contexte, et surtout de les transmettre. Cela passe par des démonstrations concrètes, des formations ciblées, et des échanges en 1v1 avec les membres du COMEX, pour aligner la technologie avec les enjeux humains et stratégiques.
Pour moi, l’innovation n’a de valeur que si elle est concrète, partageable et alignée sur les vrais besoins. Accompagner cette transformation, c’est faire émerger des usages utiles, créer de la confiance, et poser un cap clair.
C’est dans cette continuité que j’ai co-fondé Beemm.io, une structure dédiée à l’accompagnement des entreprises dans leur transformation avec l’IA générative, de la sensibilisation à l’implémentation concrète.
En mettant en place une plateforme No-code/Low-code, quel impact avez-vous observé sur l'accessibilité et la démocratisation des technologies IA au sein des équipes ?
L’impact a été radical. Dès les premières semaines, on a vu des profils non techniques — RH, communication, juridique, contrôle de gestion — s’emparer de l’IA générative pour créer des assistants métier, automatiser des tâches répétitives ou produire du contenu de qualité. Tout ça, sans dépendre d’un développeur, sans attendre un projet SI.
Cette plateforme, que j’ai conçue avec une logique de simplicité et de sécurité, a ouvert un champ immense : chacun peut tester, se tromper, recommencer, apprendre. En quelques clics, une idée devient un outil. C’est ce genre d’autonomie que je cherche à provoquer : une technologie au service de l’action, pas un blocage de plus dans la chaîne de décision.
Ce que j’ai observé, c’est une dynamique nouvelle. Les gens osent. Ils innovent dans leur périmètre. Ils parlent IA, non pas comme un buzzword, mais comme un vrai levier métier. On a vu émerger des cas d’usage qu’aucun comité n’aurait pu prévoir, parce qu’ils venaient du terrain, au plus près des besoins.
Pour moi, c’est ça la vraie démocratisation : quand l’innovation descend dans les mains de ceux qui font. Et cette logique no-code/low-code permet exactement cela. On déverrouille les usages, on stimule la créativité, on réduit les frictions.
En créant cette plateforme, j’ai voulu prouver qu’on pouvait faire simple, rapide, efficace — et que cette simplicité était un accélérateur, pas un frein.
Selon vous, quelles sont les plus grandes opportunités offertes par l'IA générative, et comment les entreprises peuvent-elles en tirer le meilleur parti sans compromettre leur éthique et leur gouvernance ?
L’IA générative est un multiplicateur de capacités. Elle permet d’écrire, de résumer, de coder, de traduire, de créer des supports visuels ou des argumentaires en quelques secondes. C’est une extension du cerveau, du temps et de l’imagination. L’opportunité majeure, c’est de redonner de la valeur au temps humain : ce qui était fastidieux devient instantané, ce qui était inaccessible devient possible.
Mais attention : cette puissance n’a de sens que si elle est bien orientée. L’IA générative ne remplace pas la réflexion, ni le discernement. Elle doit être pilotée, encadrée, et utilisée avec conscience. C’est là que les notions d’éthique et de gouvernance deviennent cruciales.
Chez Stellantis, nous avons très vite mis en place des garde-fous : validation humaine systématique, non-connexion aux données sensibles, cadre clair sur les droits et les responsabilités. Et surtout, nous avons insisté sur la montée en compétences : on ne donne pas juste un outil, on donne aussi les clés pour bien s’en servir.
L’autre enjeu, c’est la transparence : comment a été générée telle information ? Peut-on la retracer, la vérifier, l’expliquer ? Je milite pour une IA compréhensible, explicable, maîtrisée. Pas une boîte noire, mais un outil éclairé, au service de la décision.
En résumé, les entreprises ont une occasion unique d’augmenter leurs capacités, de libérer la créativité, et d’accélérer leurs processus — à condition de ne pas aller trop vite, et de garder la main.
En tant que conférencier, quelles sont les réactions les plus fréquentes que vous rencontrez concernant l'IA générative, et comment guidez-vous votre audience pour surmonter les appréhensions ou les malentendus associés à cette technologie ?
Les réactions oscillent souvent entre fascination et crainte. Ce qui revient le plus, c’est cette impression d’aller trop vite, de ne pas comprendre ce qui se joue, ou de risquer de perdre la main. Beaucoup voient encore l’IA générative comme une boîte noire réservée aux experts. Mon rôle, justement, c’est de la rendre compréhensible, concrète, et surtout, accessible.
En conférence, je pars toujours d’exemples métiers réels, proches du quotidien. J’évite le jargon et je montre des cas d’usage qui parlent à tous. Ce réalisme crée un déclic : on passe de la peur à la curiosité, de la distance à l’envie d’essayer. Je cherche à désacraliser la technologie, pour redonner du pouvoir d’agir.
Je m’efforce aussi d’ouvrir un espace de dialogue. Beaucoup d’apprenants ou de dirigeants me disent qu’ils n’osent pas poser certaines questions dans leur organisation. En conférence ou en atelier, je crée un cadre où l’on peut explorer sans jugement, tester sans risque, apprendre en toute confiance.
Cette posture, je la déploie aussi à travers Beemm.io, la structure que j’ai fondée pour accompagner les entreprises dans leur transformation avec l’IA générative. Elle me permet d’aller plus loin après les conférences, en travaillant en profondeur sur la stratégie, la montée en compétences et l’implémentation concrète.
Mon objectif : créer des déclics durables. Redonner confiance. Et toujours offrir des repères clairs, utiles, réalistes.
Guillaume Calfati est expert en intelligence artificielle générative, avec plus de 20 ans d’expérience dans l’innovation et la transformation numérique. Il accompagne aujourd’hui les entreprises dans l’adoption stratégique de l’IA, en mêlant pédagogie, vision prospective et maîtrise technique. Ancien cadre chez Stellantis, il a piloté des projets mêlant no-code, automatisation et IA générative à grande échelle. Il intervient régulièrement comme formateur, conférencier et coach, et développe des outils sur mesure pour accélérer la productivité, la créativité et la prise de décision. Son approche se veut à la fois pragmatique, accessible et tournée vers l’impact humain et opérationnel.