
L'arrivée de l'Intelligence Artificielle générative suscite autant de fascination que d'inquiétude, notamment sur son impact sur l'emploi. Pourtant, au cœur de cette transformation, un acteur majeur est souvent oublié : le secteur public. Premier employeur mondial avec 350 millions de personnes, son évolution déterminera l'avenir de nos sociétés. Cet article distille les quatre conclusions les plus surprenantes d'une étude récente du cabinet Roland Berger pour comprendre ce qui nous attend vraiment.
1. Le constat surprenant : la majorité des emplois sera peu ou pas touchée
Contrairement à l'idée reçue d'un "grand remplacement" par l'IA, l'étude révèle qu'une part considérable (73 %) de l'ensemble des emplois, publics comme privés, ne sera que très peu ou pas du tout impactée par l'IA générative. Cette inertie s'explique simplement : une grande partie de ces métiers, notamment dans la gestion des déchets ou les services techniques, repose sur des tâches manuelles et artisanales. Pour ces professions, l'IA seule n'est pas une solution viable sans l'intégration de technologies complémentaires, comme la robotique.
2. L'IA sera plus une "collègue" qu'une "remplaçante"
L'étude estime que 36 % des emplois publics, soit 125 millions de postes, seront confrontés à un changement significatif. Sur ce total, elle établit une distinction fondamentale entre deux types d'impacts : l'Augmentation et l'Automatisation.
Augmentation : L'IA soutient les professionnels en gérant des tâches périphériques (préparation de documents, synthèses) ou en introduisant de nouvelles fonctionnalités (analyse prédictive).
Automatisation : L'IA remplace la majorité des tâches humaines dans certains rôles très spécifiques.
Le chiffre clé est sans appel : à l'échelle mondiale, 77 millions d'emplois publics seront "augmentés", tandis que 26 millions sont concernés par une potentielle automatisation. L'augmentation étant presque trois fois plus fréquente, le modèle qui se dessine est celui d'une collaboration homme-machine plutôt que d'une substitution massive.
3. Les cols blancs en première ligne de la transformation
Si la plupart des emplois sont peu touchés, les métiers de bureau et tertiaires, à forte dimension administrative, sont en revanche les plus exposés à une transformation profonde. L'étude identifie trois catégories de professions particulièrement menacées par l'automatisation, représentant à elles seules 23 millions des 26 millions d'emplois publics mondiaux menacés par l'automatisation :
Employés de bureau (assistants administratifs, secrétaires)
Employés des services clientèle (réceptionnistes, agents de centres d'appels gouvernementaux)
Employés de la comptabilité et de l'enregistrement des données (assistants comptables, assistants RH/paie)
La raison est que leurs tâches principales (enregistrer, organiser, répondre à des demandes standards, etc.) reposent sur des schémas de faible complexité, que les IA génératives peuvent facilement répliquer.
4. Des experts "augmentés" : quand l'IA aide médecins, enseignants et forces de l'ordre
À l'opposé de l'automatisation, l'augmentation promet de décupler l'efficacité des métiers à haute expertise en les libérant des tâches secondaires pour leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier.
Enseignants : La catégorie des "professionnels de l'enseignement", qui représente 13 millions d'emplois (enseignants du supérieur, du secondaire, du primaire), présente un potentiel d'augmentation de 39 %. L'IA ne remplacera pas un professeur, mais simplifiera les tâches périphériques comme la préparation des cours ou la correction des examens, permettant de consacrer plus de temps à la pédagogie.
Médecins et professionnels de la santé : Les catégories des "professionnels de la santé" et des "professions intermédiaires de la santé" (médecins, infirmiers, aides-soignants) représentent plus de 6 millions d'emplois qui seront augmentés. L'IA deviendra un outil essentiel pour la prédiction des maladies, l'aide au diagnostic et la recommandation de prescriptions.
Forces de l'ordre (policiers, pompiers) : Cette augmentation concerne notamment la catégorie des "travailleurs des services personnels", qui inclut les pompiers et les policiers. Elle représente un potentiel de 10,5 millions d'emplois augmentés grâce à de nouvelles fonctionnalités comme la sécurité prédictive ou la planification optimisée des interventions.
Forces militaires : La catégorie "personnel militaire" représente 3 millions d'emplois avec un potentiel d'augmentation de 33 %. L'IA sera utilisée pour mieux anticiper les menaces et permettre aux soldats de s'entraîner plus efficacement dans des environnements simulés.
Comme le souligne le rapport concernant le monde de l'éducation :
L'IA générative rationalise les tâches administratives des enseignants, libérant un temps précieux pour un enseignement personnalisé et le développement professionnel. Ce changement majeur permet aux éducateurs de répondre de manière proactive aux besoins des élèves grâce à des interventions sur mesure et des approches pédagogiques innovantes.
Conclusion : Prêts pour la collaboration ?
Comme le révèle l'étude, la transformation du secteur public par l'IA sera moins une question de remplacement massif qu'une réinvention des métiers, puisque près de trois fois plus d'emplois seront "augmentés" qu'automatisés. L'avenir semble appartenir à une collaboration homme-machine où la technologie vient augmenter nos capacités. La vraie question n'est donc pas de savoir si nous conserverons nos emplois, mais comment nous allons apprendre à travailler avec notre nouveau collègue, l'IA. Sommes-nous prêts à devenir des professionnels "augmentés" ?