L'intelligence artificielle est sur toutes les lèvres. Pour de nombreuses entreprises, cette révolution technologique est une source d'enthousiasme, mais aussi d'une profonde anxiété. Comment intégrer l'IA sans perturber les équipes ? Faut-il tout miser sur un seul modèle ou rester agile ? Et surtout, comment s'assurer que l'investissement technologique se traduise par une réelle valeur ajoutée ?
Ce que le Groupe Rocher nous apprend sur la Révolution IA

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Au milieu de ce tourbillon, l'expérience d'une grande entreprise historique comme le Groupe Rocher offre une clarté remarquable. Leur approche, pragmatique et résolument humaine, va à l'encontre de nombreuses idées reçues. Elle repose sur une analogie simple mais puissante : celle de l'iceberg, où la technologie n'est que la pointe visible d'une transformation bien plus profonde.

Loin du discours centré uniquement sur les algorithmes, leur parcours révèle des leçons surprenantes sur la culture, la stratégie et l'engagement des collaborateurs. Voici quatre choix stratégiques qui déconstruisent les mythes de la transformation IA.

Leçon 1 : L'adoption est une question d'état d'esprit, pas de génération

Face à une nouvelle technologie, le premier piège est de l'associer à la jeunesse, en supposant que l'adoption sera l'apanage des "digital natives". C'est une erreur qui freine de nombreuses organisations. Le Groupe Rocher a pris le contrepied de ce stéréotype en partant d'un principe simple : l'aptitude pour l'IA, ou "l'appétence", n'est liée ni à l'âge, ni au niveau hiérarchique.

Et c'est là que l'on observe leur première décision contre-intuitive. Plutôt que de former un comité d'experts, ils ont désigné des "champions IA" dans chaque métier (finance, marketing, juridique...). Ces ambassadeurs n'ont pas été choisis pour leur séniorité, mais pour leur curiosité. Leur mission stratégique : identifier des cas d'usage métier concrets. Cette approche a permis de libérer les énergies là où elles se trouvaient réellement. L'exemple le plus frappant, partagé en interne, est devenu un symbole : "Un de nos plus anciens développeurs, c'est celui qui est le plus agile au niveau de l'utilisation de l'IA pour coder plus vite". C'est une leçon fondamentale qui démantèle les préjugés et invite à chercher le talent partout, pour s'attaquer à la dimension humaine, la plus importante, de l'iceberg.

Leçon 2 : Contre le dogmatisme, une seule solution : le "GPT Privé" multi-modèles

Face à l'utilisation par les employés d'outils d'IA publics avec des données sensibles, la plupart des entreprises ont deux réactions : l'interdiction totale ou l'inaction risquée. Le Groupe Rocher a choisi une troisième voie, bien plus stratégique. Sans blâmer la curiosité de ses équipes, il a répondu au besoin en lançant fin 2023 son propre "Private GPT", une alternative sécurisée et plus puissante.

Mais la véritable audace de leur solution réside dans son refus du dogmatisme technologique. Plutôt que de se lier à un seul géant de la tech, leur outil est conçu pour se connecter et basculer entre différents modèles comme Claude, Gemini ou Mistral. Cette agilité est une assurance contre l'obsolescence. Elle empêche le groupe de se retrouver piégé par les décisions tarifaires, technologiques ou éthiques d'un unique fournisseur, leur garantissant une souveraineté stratégique à long terme. Pour aller plus loin, ils développent même un agent IA dont le rôle est d'aider les utilisateurs à choisir le LLM le plus adapté à leur tâche. Ce que cela nous révèle est essentiel : une telle flexibilité exige un leadership qui rejette la rigidité. Comme le souligne le porteur du projet, si la transformation avait été confiée à un "DSI dogmatique", cela "aurait été une mauvaise décision".

Leçon 3 : L'IA est un iceberg — la vraie transformation est invisible

Voici la clé de voûte de toute la stratégie du Groupe Rocher. L'analogie de l'iceberg n'est pas qu'une simple image ; c'est le socle de leur philosophie. La technologie et les algorithmes, aussi impressionnants soient-ils, ne représentent que la partie émergée, soit environ 30 % de la transformation.

La véritable révolution, les 70 % invisibles mais essentiels, se situe sous la surface. Elle concerne "l'humain, l'organisation et les processus". Cette vision change tout. Elle impose de se focaliser non pas sur l'outil, mais sur son impact sur les métiers. Le concept clé devient celui des "métiers augmentés". L'objectif n'est pas de remplacer les humains, mais d'amplifier leurs compétences. Un juriste, par exemple, ne disparaîtra pas ; il sera assisté par une IA pour les tâches répétitives, lui permettant de se concentrer sur sa valeur ajoutée : l'interprétation. De même, alors que certains prédisaient la fin du métier de comptable avec l'arrivée du RPA (Robotic Process Automation), la réalité est qu'ils "travaillent différemment" et "finissent leurs clôtures moins tard". Cette évolution rappelle d'autres vagues technologiques qui n'ont pas tenu leurs promesses les plus dystopiques.

"Je travaille à la Fnac. Il y a en 98, on m'a dit 'Demain, les livres c'est fini.' Bon, c'est pas fini, on lit encore sur du papier."

Leçon 4 : Pour embarquer tout le monde, lancez un "IA Tour"

Pour s'attaquer à la partie immergée de l'iceberg — l'humain et l'organisation — Groupe Rocher a compris qu'il fallait aller bien au-delà des bureaux parisiens. Une transformation ne réussit que si elle est inclusive. Conscient de la diversité de ses équipes, incluant une "population de non connecté... qui travaille en usine, en entrepôt", le groupe a fait un choix audacieux : lancer un "IA Tour".

Cette initiative itinérante a été conçue pour démystifier l'IA et la rendre accessible à tous, de manière ludique et concrète. Le programme incluait des conférences, des stations pour tester directement des outils, un concours de la meilleure image générée par IA, et même une "bataille de l'IA". Le but était clair : s'assurer que ce projet d'envergure ne soit pas juste un "trip de technophile", mais une aventure collective partagée par tous. Ce succès prouve que l'investissement le plus rentable dans une révolution technologique est souvent celui qui est fait dans l'humain.

Conclusion

L'aventure du Groupe Rocher avec l'intelligence artificielle nous offre un véritable plan d'action. La réussite de leur transformation dépend moins de la maîtrise de la technologie que de la mise en place d'une culture et d'une stratégie qui placent l'humain au centre. En privilégiant la flexibilité face aux outils, en donnant le pouvoir aux individus motivés indépendamment de leur statut, et en se concentrant sur la partie invisible de l'iceberg, ils dessinent une voie inspirante pour toutes les organisations qui se sentent dépassées.

Leur parcours nous pousse à réfléchir différemment. La véritable question n'est plus "que peut faire la technologie ?", mais "comment pouvons-nous réellement donner le pouvoir à nos équipes ?". Quelle est la première étape que votre organisation pourrait franchir pour placer l'humain au centre de ce changement ?

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